En tant que consommateur, nous sommes de plus en plus submergés par les messages écologiques et toutes sortes d'allégations environnementales. Les marketeurs jouent ainsi habilement sur l'intérêt croissant que nous portons envers notre environnement et notre santé. En tant qu'entreprise, vous veillerez toutefois à vous méfier. Si vous exagérez à outrance les bienfaits (écologiques) de votre produit ou service, une telle allégation écologique pourrait bien se retourner contre vous...
Green marketing et greenwashing: deux concepts différents
Encourager les gens à utiliser des produits et services avec une plus-value écologique n'est pas seulement sensé, cela répond également à un réel besoin d'information de la part du consommateur. Cela relève du concept de « green marketing ».
Le greenwashing par contre, également appelé « blanchiment vert », résulte en fait d'un usage malhonnête de ce marketing vert. Nous parlons de greenwashing lorsqu'un organisme (entreprise, fabricant, administration) utilise un aspect écologique ou durable comme argument de vente, alors que le produit, le service ou l'action de cet organisme ne le justifie pas ou pas de manière suffisante. Il s'agit en d'autres termes d'une pratique où l'on se prévaut injustement d'une durabilité dans sa communication.
Cela ne signifie pas que le greenwashing est nécessairement synonyme de communication mensongère. Il peut également s'agir de maintenir volontairement une certaine confusion ou de ne pas communiquer certaines données environnementales.
4 types d'allégations écologiques
La Federal Trade Commission, un organe américain indépendant qui a pour mission de protéger le consommateur et d'éliminer les pratiques commerciales malhonnêtes ou frauduleuses, a développé différents critères auxquels les allégations écologiques doivent satisfaire afin de ne pas être qualifiées de greenwashing. Sur cette base, les allégations écologiques frauduleuses sont divisées en 4 types :
Une allégation écologique vague ou ambigüe
Celle-ci fait usage de termes triviaux ou généraux tels que « durable », « respectueux de l'environnement » ou « naturel dans son ensemble ». Ces allégations catégoriques sont difficiles à contrôler pour le consommateur et pas suffisamment spécifiques. Une phrase comme « ce produit est respectueux de la couche d'ozone » manque totalement de clarté.
Une allégation écologique incomplète
De l'information essentielle - parfois respectueuse de l'environnement - est omise dans l'allégation écologique de sorte qu'il n'est pas possible de juger la déclaration en matière de bon sens et d'honnêteté. Ainsi, les producteurs osent-ils attirer l'attention uniquement sur la durabilité du produit final alors que l'ensemble du processus de production était extrêmement polluant. Le papier n'est par exemple pas nécessairement durable s'il est issu de bois récolté de manière durable : le blanchissage et le transport peuvent par exemple être très polluants.
Certaines allégations écologiques reposent également sur un seul et unique avantage environnemental mais le produit se positionne malgré tout comme « écologique » dans son ensemble. Pas vraiment proche de la vérité donc...
L'allégation écologique est fausse ou est un pur tissu de mensonges
Cette catégorie parle d'elle-même, l'allégation écologique est partiellement ou totalement inventée. Par exemple : « Ce produit est composé intégralement de matériau recyclé ». Alors qu'en réalité ce n'est vrai qu'en partie.
Combinaison des catégories précédentes
Une allégation écologique peut également comprendre plus d'un élément frauduleux.
Signes possibles de greenwashing
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La publicité utilise des images qui suggèrent un effet environnemental positif qui ne s'applique pas au produit. Un conditionnement avec beaucoup de vert ou de bleu ou avec des motifs de fleurs ne signifie pas toujours que le produit est plus respectueux de l'environnement qu'un autre.
Des logos verts sont aussi fréquemment utilisés. Parfois, la signification de l'image est évidente mais pas ce à quoi elle se réfère : s'agit-il du conditionnement, du contenu, du procédé écologique de fabrication du produit ?
En outre, on utilise régulièrement des logos ressemblant à un label de durabilité alors qu'il n'en est rien (pictogramme inventé par le fabricant en lieu et place d'un label indépendant). En tant que consommateur, vous veillerez donc à consulter des sites Internet vous renseignant sur les labels reconnus (www.labelinfo.be ou www.ecolabelindex.com).
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On utilise des expressions vagues qui ne sont pas contrôlables. Des mots tels que « notre planète », « écologique » ou « propre » sont des concepts trop généraux qui créent une image qui font plus sensation que le produit même. Il s'agit d'allégations trop catégoriques.
L'utilisation de citations issues et faisant référence aux travaux scientifiques n'est également pas représentative et/ou contrôlable. Une affirmation doit pouvoir être contrôlée.
Vérifiez donc si les arguments sont avérés par des éléments factuels (composition, origine, recyclage...) et non par de purs slogans marketing . Généralement, ces allégations ne sont pas le résultat d'un examen indépendant, mais sont basées sur la propre recherche du fabricant.
En Belgique et en Europe
Dans les années nonante fut fondé au sein du Conseil de la consommation (la structure consultative centrale au sein du SPF Économie pour tous les problèmes de consommation et de protection du consommateur) une Commission pour l'étiquetage et la publicité écologiques. Elle a prodigué des conseils en matière de publicité et d'étiquetage relatifs à l'impact environnemental, et a établi un code pour la publicité écologique . Celui-ci peut être utilisé comme instrument auto-disciplinaire (le code n'est pas réglementaire !) Toutefois, le code pose d'une part les jalons entre lesquels les producteurs, les distributeurs et les publicitaires peuvent évoluer en toute sécurité pour proposer leurs produits et services, et protège d'autre part l'utilisateur contre les abus envers sa préoccupation en matière d'environnement.
Le Jury d'Éthique Publicitaire (JEP), qui est chargé du contrôle, mentionne ce code pour la publicité écologique intersectoriel sur son site Internet (ainsi que d'autres codes et recommandations sectoriels dans le domaine des voitures, des cosmétiques, etc.)
La Commission européenne a défini clairement la notion (trompeuse) d' « allégation écologique ». Il existe également une directive européenne en matière de pratique commerciale déloyale (DCPD) par le biais de laquelle des allégations frauduleuses dans le fond ou dans la forme peuvent être jugées.
Elle donne également des directives en matière d'étiquetage et a déjà réglementé certains aspects (alimentation bio, écolabel, consommation énergétique) afin que les gens puissent acheter en totale confiance. Mais cela ne suffit visiblement pas. Les États membres européens poursuivent d'ailleurs différentes méthodes afin de mesurer le caractère écologique des produits et des entreprises. Cela complique grandement la comparaison. Afin de donner également un coup de pouce au marché des produits verts, la Commission a proposé d'introduire des normes européennes communes . Il s'agit ici notamment de la Recommandation du 9 avril 2013 (2013/179/EU) relative à l'utilisation de méthodes communes pour mesurer et indiquer la performance environnementale des produits (EEP) et des organisations (EEO) sur l'ensemble du cycle de vie. La Commission appelle désormais les autorités, les entreprises et les organisations à utiliser les normes volontaires. Les allégations écologiques doivent être transparentes (avec mention de la procédure de jugement, les critères, les sources, etc.), pertinentes, fiables, complètes, comparables et claires.
La Commission espère que les normes communes encourageront les entreprises à rendre leurs produits plus verts. Une grande partie de la bureaucratie disparait notamment et cela devient meilleur marché pour eux s'ils ne doivent plus satisfaire à d'autres normes partout dans l'UE. Les entreprises peuvent également rivaliser de façon plus honnête si les normes sont partout les mêmes.
En même temps, la Commission entend développer des règles spécifiques aux produits et secteur pour le jugement de l'impact environnemental. D'ici 3 ans, les organisations et les entreprises pourront y contribuer.
Conclusion
Les entreprises peuvent encore souvent avoir recours au greenwashing en toute impunité en raison de l'absence de mesures contraignantes. Les industries automobile et pétrolière y ont encore avidement recours afin de tromper les consommateurs. Le Jury d'Éthique Publicitaire (JEP) a jugé par exemple que la réclame Fiat promouvant un « moteur diesel propre » allait à l'encontre du code de publicité écologique. Le JEP était d'avis que l'affirmation concernait une « allégation catégorique » qui indiquait implicitement que ce véhicule (rejetant peu ou une quantité minime de CO2) n'aurait aucun impact sur l'environnement. Mais un moteur diesel rejette toutefois toujours du CO2. Il est donc impossible de qualifier le véhicule de « propre ».
Le publicitaire avec son greenwashing peut véritablement être catastrophique pour une entreprise. Les consommateurs se méfient de plus en plus de ces allégations « vertes », ce qui se traduit en une attitude publicitaire et de la marque plus négative. Les organisations environnementales ou de consommateurs n'hésitent d'ailleurs pas à déposer une plainte contre une publicité mensongère. Des entreprises connues telles que Nestlé, Coca-Cola, Shell, Tetra Pak et BP en savent quelque chose !
En Flandre, il existe entre-temps déjà les « Greenwash Award », et en Wallonie l' «Observation Citoyen du Greenwashing».