Les banques sont et restent des acteurs importants de notre écosystème entrepreneurial. Mais quelles initiatives proposent-elles au-delà de leur core business afin de mieux répondre aux besoins des PME’s et de contribuer positivement à la stimulation et au soutien de l’entrepreneuriat et de l’innovation ?
Ces dernières années, les banques font face à des challenges croissants : régulation et contraintes diverses accrues, longue période de taux bas, nouveaux entrants sur le marché proposant des solutions innovantes susceptibles de disrupter partie de leur activité, etc. Ces défis obligent le secteur à chercher à se réinventer plus vite et à maîtriser davantage ses coûts et ses risques.
Ceci se traduit notamment par une recherche d’efficacité accrue dans la gestion des octrois de crédits : vers plus de standardisation, plus d’automatisation et moins d’interaction humaine, surtout pour des demandes et des contreparties de petites tailles, avec toutes les conséquences logiques qui en découlent : plus de rapidité et d’efficacité pour certains clients / certaines demandes, mais plus de difficulté pour d’autres, avec une part prépondérante de TPEs et de starters dans ce 2e cas de figure.
Cela pourra donc paraitre paradoxal pour certains, mais c’est justement pour toutes ces mêmes raisons que les banques développent en parallèle depuis quelques années un nombre croissant de nouvelles initiatives et de partenariats de tout ordre en lien avec l’entrepreneuriat et l’innovation.
Ci-dessous, un large inventaire non exhaustif de ces initiatives et partenariats propres aux 4 grandes banques actives à Bruxelles (Belfius, BNP Paribas Fortis, ING & KBC Brussels) et aux 2 banques de niches que sont Credal et Triodos.
Attention, la synthèse des initiatives reprise ci-dessous n’est pas strictement exhaustive ; elle ne comprend pas par ailleurs ce qui est proposé en Flandre ou en Wallonie.
Approche spécifique sur l’innovation
Les grandes banques ont mis en place diverses initiatives afin de rétablir / maintenir le contact avec l’écosystème entrepreneurial innovant et ce le plus souvent d’une part en recourant à la fois à l’intelligence & aux ressources internes et d’autre part via des partenariats externes.
Deux banques ont développé encore un peu plus loin cette logique, en adaptant certains aspects de leur gestion interne des dossiers innovants, à savoir BNP Paribas Fortis et ING.
BNP Paribas Fortis a mise en place le modèle de « BNP Innovation Hub » déjà précédemment développé en France. Ce concept regroupe diverses initiatives avec comme leitmotiv une volonté de s’inscrire comme acteur et non comme spectateur de l’évolution de l’écosystème. Ceci se traduit à l’échelle locale par la création de relais pour les projets innovants, même au stade précoce, tant dans la segmentation Retail/TPE que pour le niveau PME/Midcorp. D’autres référents ont été mis en place pour gérer les partenariats et initiatives à une échelle nationale ou pan-régionale et ce tant dans une logique tournée vers les clients externes, que pour usage interne de la banque. Dernier point lié, les mises en relation et collaborations entre Corporate / Midcorp et (T)PE/PME sont favorisées.
Voir aussi supra pour d’autres initiatives liées chez BNP Paribas Fortis.
ING a lancé un peu plus récemment son concept d’ING Innovation Banking destiné aux projets innovants et se déclinant en 3C
- Content (apport d’expertises pour professionnalisation accrue),
- Capital (approche smart du financement notamment avec le ‘Smart Lending’)
- Clients (liens facilités entre startups et entreprises plus matures clients ING).
En termes organisationnels, une personne de contact centrale a été recrutée en dehors du secteur et est depuis lors l’interlocuteur privilégié de nombreuses entreprises innovantes ; à ses côtés, une partie du staff entreprises d’ING (chargés de relations, analystes et décideurs) s’est mué en ‘Innovation Bankers’ spécialement dédiés aux projets innovants, avec comme changement le plus disruptif, une approche au risque adaptée aux réalités de ce type de projets (au moins en partie), ce qui est assez exceptionnel.
Sur base de ces deux initiatives respectives, une collaboration informelle s’est d’ailleurs développée avec hub.brussels (l’Agence Bruxelloise pour l’Accompagnement de l’Entreprise), tant sur le volet relai de financement pour projets innovants que pour un volet plus ‘institutionnel’, essentiellement avec les clusters sectoriels de hub.brussels, se traduisant notamment par des collaborations plus concrètes sur des initiatives respectives ou communes (event, workshops, conférences, etc).
Incubation d’entreprise
3 des 4 grandes banques proposent depuis environ 2 ans des espaces d’hébergement pour start-ups, généralement doublés de divers services destinés à « accélérer » les projets.
- KBC Brussels propose depuis 2016 son concept d’incubation pour startup : Start It (déjà développé depuis longtemps en Flandres).
- BNP Paribas Fortis collabore depuis 2015 avec l’incubateur pour start-ups & scale-ups digitales Co-Station.
- ING propose depuis 2016 son incubateur à start-ups fintech : ING Fintech Village.
ING propose aussi depuis 2017, en collaboration avec KissKissBankBank, un incubateur destiné aux start-ups créatives & culturelles : Créatis.
Autres initiatives et positionnements spécifiques liés à la stimulation de projets entrepreneuriaux
Outre les exemples du point précédent, on peut aussi citer :
- La Start Academy, programme d’accélération proposé par Solvay Business School en collaboration avec ING.
- Greenlab, programme d’accélération développé par le cluster Greentech de hub.brussels et centré sur les projets liés au développement durable et à l’économie circulaire en particulier ; Triodos collabore à Greenlab depuis 2014, dans la lignée de leur positionnement historique centré sur les projets durables
- Credal propose un programme d’accompagnement lié aux projets en alimentation durable.
Credal a également développé une solution commune avec le Centre pour Entreprises en difficulté (CED) : le Microcrédit Relance. L’objectif du Microcrédit Relance est d’appuyer financièrement les petites entreprises bruxelloises pour leur permettre de couvrir leur besoin de liquidités et/ou d’investissement – pour autant que le CEd ait diagnostiqué qu’un crédit soit une solution adaptée et que l’entreprise en difficulté ait un potentiel élevé pour faire face à l’avenir.
- Belfius propose depuis peu ses Smart Belgium Awards qui récompense annuellement des projets ‘Smart Cities’ et ‘Smart Company’
Crowdfunding
A la naissance du crowdfunding en Belgique en 2012-2013, il s’agissait encore d’un épiphénomène un peu gadget que les banques regardaient du coin de l’œil. Depuis, elles ont réalisé le potentiel (encore un peu à confirmer) de cette nouvelle forme de mobilisation de l’épargne et ont soit conclu des partenariats, soit développé leur propre solution, afin de ne pas prendre le risque de rater le train en marche.
- BNP Paribas Fortis collabore depuis 2014 avec la plateforme Spreds (ex-MyMicroInvest) (modèle equity & lending) et sa filiale Hello Bank a lancé la plateforme Hello Crowd (modèle reward) en collaboration avec Ulule.
- ING développe depuis 2015 une collaboration avec Kiss Bank (modèle reward) et la plateforme britannique Seedrs (modèle equity).
- KBC de son côté a opté pour l’initiative interne, à savoir le lancement en 2015 de la plateforme Bolero Crowdfunding (modèle equity & lending), liée à sa plateforme investisseurs Bolero.
- A noter finalement que la banque Degroof-Petercam a lancé en 2016 avec Oksigenlab et d’autres acteurs la plateforme philanthropique Gingo.
Financement de subsides
Certaines banques proposent soit un service facilitant l’accès aux subsides (essentiellement à l’investissement), soit une solution de préfinancement ceux-ci (ou les deux).
La présence de la première initiative est un peu ‘cyclique’ chez certaines banques où cette offre a fluctué au cours des 10 dernières années, avec un fléchissement clair de l’offre après la crise bancaire, suivant une logique de « back to basics ». Une exception notable à ceci, à savoir KBC Brussels (ex-CBC) qui propose depuis longtemps et ce de manière non discontinue un tel service de facilitation.
En ce qui concerne le préfinancement, la plupart des banques le font à un degré ou un autre, mais Belfius, KBC Brussels et Triodos semblent être les banques les plus volontaires en la matière.
Financement européen
Ce point est plus proche du core business des banques, mais s’inscrit bien malgré tout dans la question de ce que les banques font ‘en plus’ pour l’entrepreneuriat et l’innovation.
La Commission Européenne propose depuis longtemps différents mécanismes financiers visant notamment à stimuler l’octroi de crédit dans l’Union Européenne.
Depuis peu, la gamme de programmes accessibles aux banques via le Fonds Européen d’Investissement et la Banque Européenne d’Investissement a sensiblement augmenté (notamment avec les différents volets ‘InnovFin’) et il semble que les différentes banques belges aient participé ces 2-3 dernières années de manière plus proactive que dans le passé.
A ce jour, la plupart des banques actives en Belgique participent chacune à au moins un de ces programmes (Belfius, BNP P Fortis, ING, KBC, Triodos), sachant que ces différents programmes ont leur propre positionnement (taille de l’entreprise / taille du crédit / objet à financer / projet reconnu comme innovant / projet smart cities / etc).
Par ailleurs, la plupart des banques ont généralement eu une attitude assez timide quant à la communication accordée aux programmes disponibles. Belfius fait exception à cette tendance, en ayant communiqué sur le sujet de manière visible et proactive et ce depuis plus de 5 ans. A ce jour, au moins trois programmes sont accessibles chez Belfius, en collaboration avec le FEI ou la BEI :
-
un programme de garantie pour crédit de petite taille (orienté TPE),
-
un programme de garantie pour crédit aux entreprises innovantes (plutôt orienté PME & Midcorp)
Conclusion
Bien que les banques restent essentiellement centrées sur leur core business, elles ont fait preuve ces dernières années de pas mal d’ouverture et d’innovation en lançant ou s’associant à un nombre conséquent d’initiatives moins directement liées à leurs activités et pratiques habituelles.
Deux raisons principales à cela,
- d’une part l’embellie de l’économie et un certain apaisement du secteur après la crise bancaire d’il y a quelques années et
- d’autre part la réalisation que le monde change, écosystème entrepreneurial compris, et que les banques ont tout intérêt à ne pas se laisser disrupter trop vite.
L’avenir nous dira si cette tendance se renforcera ou si on connaitra un « back to basics » lorsque la prochaine crise du secteur apparaîtra.