Dans la série des belles histoires de reconversion, il y a celle de Quentin et Diego, fondateurs de Inner Design. Leur chaise-cocon trône aujourd’hui dans les lobbies d’hôtels de luxe, espaces co-working… et même au Palais Royal. Récit d’un voyage initiatique entre Bruxelles, New-York et New Delhi.
2022. Quentin Taymans, ingénieur, s’envole pour la Grande Pomme dans le cadre de son master complémentaire en promotion immobilière. Il y visite, grâce à la représentante de hub.brussels sur place, des lieux emblématiques de l’immobilier new-yorkais, dont le bureau Hermès. Au cœur de la salle de repos, il découvre un pod de relaxation connecté. « J’ai été interpellé par ce cocon protégeant son occupant de l’effervescence du monde extérieur. »
Entre New-York et New-Delhi : naissance d’un concept
Quentin sait aussi que ce qui se crée aux Etats-Unis finit tôt ou tard par trouver un écho en Europe. Il rentre à Bruxelles avec dans ses bagages une idée, qui prendra forme quelques mois plus tard, lors d’un séjour méditatif dans un ashram indien. « Une expérience révélatrice qui m’a ouvert les yeux sur la façon dont on peut chacun gagner en clarté d’esprit et en optimalisation de nos capacités intellectuelles. »
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Lors de ce voyage, une image lui apparait avec une clarté déconcertante : un cocon à l’image de celui de Hermès, mais débarrassé de ses gadgets technologiques. Car « les objets qui meublent notre quotidien affectent notre environnement intérieur ». Diego, ami d’enfance et commercial dans l’hôtellerie design, rejoint rapidement le projet. Ensemble, ils imaginent un pod qui mise sur l’essentiel : matériaux nobles, look minimaliste et assise confortable.
La chaise « Shanti » était née, et avec elle une société au nom évocateur : Inner Design.
Assemblage des idées : du made in Belgium sinon rien
Il fallait à présent donner corps à ce concept. Quentin, à l’aise dans les rôles de coordination, rassemble les expertises nécessaires. « J’ai toujours apprécié le rôle de chef d’orchestre. » La rédaction de la partition pouvait commencer. Elle allait durer un an.
« J’ai d’abord cherché si ce que je voulais produire existait déjà, et c’est comme ça que je suis tombé sur la chaise-cocon d’une designer anglaise, qui a accepté qu’on lui rachète son idée et qu’on la fasse fructifier. » Il fait ensuite appel au designer belge Joachim Froment pour en redessiner les lignes.
Quentin et Diego souhaitaient réaliser un produit 100% made in Belgium. La structure en bois de Shanti est ainsi manufacturée à Braine-l’Alleud, son assise à Courtrai et le tout assemblé à Herentals. « La boucle est bouclée : on fait rayonner les trois régions à travers une seule création. »
Une mission princière qui accélère tout
En 2024, le duo voit passer sur les réseaux l’appel de hub.brussels à participer à la mission princière en Norvège. « On s’est dit : on se lance ! Un peu audacieux… car la chaise n’était pas encore finie ! Mais hub.brussels nous a fait confiance. » Quentin passe à temps plein sur le projet. « On a mis au point une ligne de production, un site internet et des réseaux sociaux à la vitesse de l’éclair, ça nous a vraiment obligés à nous structurer. »
La mission est un succès. « Ça a vraiment été le démarrage de toute cette aventure ». La princesse Astrid elle-même prend place dans le cocon ; la photo fait le tour des médias « un fameux coup de pub ! ».
Des aides régionales pour sécuriser les appuis
Si Inner Design a pu se développer, c’est grâce au travail sans relâche du duo et leur enthousiasme sans limites. « C’est génial de pouvoir développer un projet passion, en accord avec nos valeurs. » Seulement voilà : pour tenir dans le temps, il faut des financements. Car Quentin s’est lancé dans l’aventure à fonds privés, et le projet n’est pas encore rentable. Ni assez mûr pour être pitché à des investisseurs. « Tout n’est que contrainte au début : on n’a pas d’argent, personne ne nous prend au sérieux. »
Pour pouvoir maintenir le cap, Quentin et Diego ont pu compter sur diverses aides régionales. « On est magnifiquement bien accompagnés en Belgique, surtout dans le design : il y a MAD.brussels et hub.brussels, Wallonie-Bruxelles Design Mode, Flanders DC.... À Oslo, j’ai pleinement mesuré l’importance de faire partie de cet écosystème et la force de l’accompagnement de hub. À chaque fois que je suis à l’étranger, je tâche de me mettre en contact avec ses représentant.e.s sur place. C’est ainsi que j’ai pu trouver un espace d’expo pignon sur rue à Copenhague pour 3daysofdesign en juin (2ème plus grand event du design en Europe). Les équipes sont à chaque fois hyper réactives et très efficaces. »
Niveau financement, Inner Design a bénéficié des soutiens conjugués de Mybee.brussels, Finance& Invest.brussels (via Brusoc), Belfius ou encore Microstart. L’absence de gouvernement rend toutefois l’octroi des primes complexe:” On attend un subside de 15.000 euros qui ne tombe pas, c’est assez angoissant. »
The marvelous story of the travelling chair
Malgré les tracas du quotidien, Quentin reste résolument optimiste. « Tout prend du temps, surtout les belles choses. Inner Design est certes un produit à but lucratif, mais on ne veut pas tomber dans le hard selling, qui va totalement à l’encontre de notre concept. Et puis, on est bons en Belgique pour faire de grandes choses avec de petits moyens. La Brussels House de Milan en est le plus bel exemple. »
Inner design fait en effet partie des 14 designers sélectionnés pour habiller la vitrine de cet espace expo/bureau situé dans le quartier dynamique de Porta Nuova. Leurs créations concourent à placer Bruxelles sur la carte de la célèbre Milan Design Week, qui se tient chaque année en avril.
Sur la carte du monde, même, si l’on en croit le duo : « Shanti pourrait trouver un bel écho au Japon ou aux Etats-Unis. On vise également l’Inde, car sa classe moyenne explose et est en phase avec nos valeurs ».
Une détermination bien assise, aussi robuste que leur produit-phare.
Le conseil de l’entrepreneur
« Donnez un sens à ce que vous faites, laissez une trace de votre passage. C’est le plus beau cadeau qu’on puisse se faire, à soi et à son entourage. »